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"Mytale" Ayerdhal, 1991
Quatrième de couverture : Au premier regard, elle avait compris qu'elle devait compter les têtes pour être certaine de ne pas s'emmêler dans le décompte des morceaux de viande qui avaient été ses compagnons... 2000 ans après que l'Imperium a abandonné ses colons sur Mytale, la jeune Fédération Homéocrate y expédie deux cents agents surentraînés. Ils seront tous massacrés, sauf Audham qui devra apprendre à survivre en proscrite sur une planète où le maître mot est "mutations". Pour cela, il lui faudra traverser les forêts-consciences, affronter les guerriers warshes, tromper la magie des mystes, gagner la confiance des esclaves hiumes et des ouvrier beeses. Elle devra aussi composer avec les rebelles, illes et nones, et gagner l'affection des ksins, ces chats de la taille d'un tigre qui s'expriment par télépathie. Mais que peut-elle espérer dans un monde totalement dépourvu de technologie et dirigé par une poignée de dictateurs immortels ?
- Par Jean-Marc Suzzoni - Préférant la Science-fiction américaine, il est rare que je vous parle de Science-fiction française. Mais là, avec Mytale d'Ayerdhal je ne pouvais que vous dire mon plaisir, pour une fois, d'avoir trouvé un oiseau rare. L'auteur Si, comme moi, vous lisez les 4 de couverture des éditions J'ai Lu, vous en saurez à peu près autant sur celui qui se cache derrière ce pseudonyme. Je peux juste rajouter qu'il est né dans la SF, puisque selon les propos tenus, dans je ne sais plus quel interview, son père était un lecteur du Fleuve Noir, et le petit Ayerdhal aurait appris à lire dans cette mythique série. On sait qu'il a été animateur socio-culturel et vendeur de brioche vendéenne... On présente souvent Ayerdhal comme le chef de file de la nouvelle SF française. C'est en effet mérité, car, avec Julia Verlanger (hélas trop tôt décédée), et Pierre Bordage, il est un de ces "jeunes" auteurs français de la fin des années 80 qui se sont souvenu que dans le roman, il y avait obligation de romanesque, d'histoire et d'intrigue... Pas seulement d'idées politiques ou de recherche stylistique... La SF française non commerciale (c'est à dire, pas celle du Fleuve Noir) de la génération précédente, celle post-soixante-huitarde (style B. Blanc, Y. Frémion, D. Douay ou D. Walther...) avait trop souvent confondu romans de SF et tracts politiques. Il était temps que quelque uns se remettent à écrire pour le grand public en relevant le flambeau de la vraie SF, celle de Stephan Wul, Nathalie Henneberg ou Francis Carsac. Non, que l'aspect politique (au sens très large) ne soit pas important dans l'œuvre d'Ayerdhal : écologie, médias, autogestion, répression, transexualité, anti-impérialisme... sont des thèmes fréquents. Et que dire de ses héros : d'éternels rebelles à toute forme d'oppression, ou de conservatisme. Mais, ce propos politique sera le plus souvent (mais pas toujours, hélas...) en contrepoint de l'histoire.
Mytale (nouvelle édition J'ai Lu 4641) L'Imperium humain était mort. La Fédération Homéocrate le remplaçait. Elle reprenait le contact avec chacune des planètes isolées. Sauf avec Mytale (se prononce Mutale...) car les risques étaient trop grands : des sources mutagènes propres à cette planète avaient complètement modifié le potentiel génétique des colons humains. Finalement, afin de satisfaire l'avidité scientifique de certains milieux homéocrates, une expédition fut montée : le meilleur vaisseau de la Fédération, les meilleurs explorateurs. Ce fut un désastre. Écrasement du navire spatial avant même qu'il ne se mette en orbite autour de la planète, et massacre de l'équipage (et démantèlement total du vaisseau) par des mytans monstrueux déjà sur place... La seule survivante, Audham En-Tha, est un drôle de personnage : Audham En-Tha est foncièrement objective, rationnelle et intègre, et ses actions sont principalement subjectives, irrationnelles et retorses, voire malhonnêtes... Les Mytans Les habitants de Mytale sont tous des descendants d'une première expédition terrienne soumis aux facteurs mutagènes de la planète. Ceux-ci sont tellement puissants qu'il suffit de quelques jours pour modifier le potentiel génétique d'un individu débarqué sur la planète, mais aussi pour le déformer quasiment en autre chose in vivo, en attaquant des cellules déjà formées (Gloups !). Si la plus grande partie des mytans appartiennent à des espèces stabilisées et viables (enfin, plus ou moins), une proportion non négligeable subissent encore volontairement ou non (et pas seulement à cause des Docteurs Mengele locaux) de telles abominations. Les premiers Mytans rencontrés par Audham étaient des warshes. Voici la description du cadavre de l'un d'eux : "Il était difficile de donner une origine humaine à cette créature. Elle devait mesurer deux mètres cinquante et peser plus de deux cents kilos, peut-être trois cents si la carapace chitineuse qui lui couvrait le crâne et le buste était aussi dense que sa résistance aux projectiles l'annonçait. Aux épaules, sa carrure atteignait un mètre soixante, ses jambes étaient de véritable poteaux et ses bras des machines de guerre... Non : des pieds à la tête ce Mytan était une machine de guerre. Le corps couvert de plaques osseuses, des ergots au-dessus des talons et deux pinces énormes en guise de bras et de mains, des pinces qui avaient cisaillé du plastacier !" Et il ne s'agissait là que d'un sy-warsh, un des simples soldats de la caste des guerriers, un microbe par rapport aux redoutables do-warshes (serviteurs d'élite des maîtres) qui n'étaient eux-mêmes que fétus de paille devant les a-khan-warshes, les extraordinaires guerriers hors-castes. Il fallait en effet une puissante police pour tenir en mains (façon de parler) les centaines de millions de "travailleurs de tous poils, tous bâtis en fonction de leurs tâches", les beeses, qui forment la base de la la hiérarchie mytane, les dizaines de millions de braines, "penseurs en tous genres" qui servent d'administrateurs, et aussi "les parias : un bon quart de la population qui a échappé aux aberrations mutagènes. Ce sont les hiumes, les esclaves, le rebut, les dévots du totalitarisme impérial, les sales non-mutés." Les maîtres de Mytale, ce sont les erves, "...une synarchie"..."Ils se prétendent immortels et peut-être sont-ils les rescapés de la colonisation". Ils utilisent les pouvoirs des mystes, une caste de serviteurs exclusifs qui ont développé (en douze siècles) d'étranges pouvoirs : "Scopesthésie, parakynésie et autres néologies psioniques." Tout cela, Audham l'apprendra d'un mytan appartenant à une minuscule sous-caste de hiume : Lodh Ilodi Lodj, un ille. "A peu de chose près, ils étaient semblables. Tout en lui était mince et délié : ses jambes filiformes, ses bras graciles, la sveltesse de sa taille et de son allure, sa longue chevelure opalescente qui fluait sur son visage d'elfe déchu et ses traits ciselés dans le pervenche de son épiderme, nez droits et fluet, pommettes à peines visibles, lèvres tenues tout juste ourlées." Lodh est accompagné d'un skin, son symbiote, un félin de plus de cent kilos, un redoutable tueur. Un mot de l'intrigue Après le crash du navire de l'Homéocratie et son démantèlement par les warshes, Audham fuit loin du site du carnage. Elle sera "retrouvée" par Lodh qui "attendait" sa venue pour le compte d'une petite clique de conspirateurs illes... C'est Audham qui sera celle par qui la Révolution arrive, délivrant les Mytans du système de castes hyper-spécialisées, créées pour survivre par les premiers explorateurs, plusieurs siècles plus tôt, mais qui avaient dégénérées au fil du temps. La présence d'Audham, catalyseur d'une libération, sera aussi celui d'un épouvantable carnage longtemps repoussé, et d'une guerre intercontinentale... Un mot du style Ayerdhal est un auteur au style d'agréable. C'est d'un excellent français dans les descriptions. C'est vif (ou emphatique quand il le faut) dans les dialogues. Il y a bien quelques longueurs (l'attente dans le village de Sal-la Danid, par exemple) et manques (une petite carte de l'univers eut été la bien venue), mais il s'agit de points mineurs. Notons que l'auteur développe (à la Jack Vance) de copieuses annexes en début de chaque paragraphe (extraits de chroniques, de rapports homéocrates, d'études historiques ou de traités sociologiques sur Mytale). Rien que cela vaut la lecture pour les adeptes du jeu de rôles, cherchant un monde à développer pour un univers rôlistique de SF.
Bibliographie pour ceux qui seraient tentés d'en lire plus Ayerdhal a commencé sa carrière au Fleuve Noir, un retour à la source familiale sans doute, avant d'être publié ensuite par J'ai Lu. En fait, ces premiers textes, La Bohème et l'Ivraie, Mytale et Le Chant du Drille, étaient de gros romans que le Fleuve Noir coupait pour des raisons techniques d'impression. ** L'Univers de l'Homéocratie * La Bohème et l'Ivraie (1990) 1. Ylvain, rêve de vie (FN 1763) 2. Made, concerto pour Salmen et Bohème (FN 1769) 3. La Naïa, hors limites (FN 1775) 4. Ely, l'esprit-miroir (FN 1781) * Mytale (1991) première édition. 1. Promesse d'ille (FN 1803) 2. Honneur de chasse (FN 1813) 3. Le choix du ksin (FN 1832) * Le Chant du Drille (1992) 1. Le syndrome des baleines (FN 1871) 2. Le mystère Lyphine (FN 1875) ** Demain, une oasis (1993, FN 1845). Grand prix de l'Imaginaire 1993. ** L'Univers de Cybione * Cybione (1992, FN 1886). * Polytan, Cybione 2 (1994 FN 1935). ** L'Univers du Daym * L'Histrion (1993, J'ai Lu 3526). * Sexomorphoses (1994, J'ai Lu 3821). ** Balade choreïale (1994, J'ai Lu 3731). ** Parleur, ou les chroniques d'un rêve enclavé (1997, J'ai Lu 4317) - Jean-Marc Suzzoni -
Liens concernant Ayerdhal et son oeuvre : - http://www.cafardcosmique.com/auteur/ayerdhal.html Biographie, bibliographie et résumé de quelque-uns des romans de l'auteur - en français - - http://www.chez.com/aelhomin/ayerdhal.html Une interview de l'auteur - en français -
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