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La saga
Nicolas Eymerich
- Nicolas
Eymerich, inquisiteur
-
Les Chaînes d'Eymerich
-
Le Corps et le Sang d'Eymerich
-
Le Mystère de l'inquisiteur
Eymerich
"Nicolas
Eymerich, inquisiteur"
Quatrième
de couverture :
Nicolas Eymerich,
impitoyable défenseur de la foi chrétienne, a gravé son nom au fer rouge dans
l'histoire de notre temps. Auteur du célèbre Manuel de l'inquisiteur au
XIVè siècle, ce personnage authentique demeura le grand inquisiteur du royaume
d'Aragon durant plus de cinquante ans.
Ce
premier épisode des aventures d'Eymerich nous fait découvrir toute l'habileté
de Valerio Evangelisti. L'auteur y entraîne son inquisiteur au milieu
d'intrigues entrecroisées où le futur explique le passé, où les mystères
franchissent les siècles pour trouver leur résolution grâce à un habile jeu
de miroirs temporels.
Basé
sur un rigoureux fond historique, les enquêtes de Nicolas Eymerich nous
présentent un détective de l'étrange, armé de sa seule foi et de sa
discipline personnelle, un Sherlock Holmes au service de la Sainte Inquisition,
capable de déjouer les complots les plus machiavéliques et de terrasser toutes
les hérésies.
Entre
Le Nom de la rose et la littérature feuilletonesque à la Paul Féval,
les aventures d'Eymerich satisferont autant les amateurs d'énigmes que les
amoureux de la science-fiction.
Le
public italien a réservé un véritable triomphe au personnage d'Eymerich et
aux romans de Valerio Evangelisti qui le mettent en scène. Ce héros hors du
commun est devenu un véritable personnage-culte en Italie.
Mon avis :-))
Quel rapport existe-t-il entre le Malpertuis,
astronef utilisant la théorie psytronique comme moyen de déplacement dans
l'espace et le temps, et le culte hérétique de Diane qui rassemble un nombre
de plus en plus important de femmes dans l'Espagne de 1352 ?
C'est dans un climat d'intrigues
entremêlées et de complots royaux que Nicolas Eymerich, nouvel
inquisiteur général du royaume d'Aragon, débute d'une poigne de fer ses
enquêtes destinées à éliminer toute trace d'hérésie, n'hésitant pas à
utiliser la force si nécessaire.
Retournements de situations,
personnage principal fascinant, Nicolas Eymerich, inquisiteur surprend
agréablement par la concordance de tous les indices que notre inquisiteur inébranlable
parvient à réunir petit à petit et le don d'Eymerich pour parvenir à ses fins.
Pour les fanas d'histoire mais aussi pour les autres :)
Extraits :
1- De par sa nature profonde, il
détestait devoir s'exhiber, parler en public. Ses seuls moments de bonheur,
il les connaissait lorsque, enfermé dans sa cellule aux murs éclatants de
blancheur et obsessionnellement récurés, il pouvait savourer des rêves de
gloire qui, dans la réalité, lui étaient interdits par son aversion envers
la vie en société. Ou lorsque, en coulisse, il réussissait à manœuvrer
les situations et les personnes pour les faire concorder avec ses très
complexes desseins.
2- Eymerich s'élança à grands pas
dans l'allée, avec l'air de celui qui n'a rien à ajouter. Mais le père
Arnaud se mit à trottiner à ses côtés.
- Pardonnez une
dernière parole. Pourquoi m'avez-vous choisi comme vicaire ? Pourquoi pas le
prieur ou l'un des anciens ?
- Parce que vous êtes
le seul qui, lorsqu'il s'adresse à moi, reste à distance. Les autres me
postillonnent leur salive et me contraignent à respirer leurs odeurs.
Maintenant, taisez-vous et ne me faites pas regretter mon choix, conclut-il,
pressant le pas et ajustant le scapulaire et la cape noire.
3- Diane ! Diane !
Diane !
Eymerich sentit un
frémissement lui parcourir le dos. Une peur incontrôlable bouleversa son
rythme cardiaque et lui couvrit le front de sueur. L'air tremblait,
s'opacifiait. Une grande ombre prenait forme sur le lac, plus solide à chaque
répétition de l'invocation. L'inquisiteur trouva la force d'observer
Galceràn et les archers. Ils étaient très pâles, comme paralysés. (...)
Les fidèles ne s'étaient aperçus de rien. Ils continuaient à scander leur
appel et à secouer la tête, en fixant la femme plus grande qu'une montagne,
au regard absent et à la chevelure corbeau. Mais ce n'était pas la seule
forme qui se dessinait dans la clarté lunaire. L'ombre d'un chien colossal,
étendu aux pieds de sa maîtresse, prenait lentement corps. L'air, chargé
d'une senteur de musc et de forêt, vibrait comme sous les coups d'une
multitude de fouets.
"Les
Chaînes d'Eymerich"
Quatrième
de couverture :
Seconde aventure
de Nicolas Eymerich, grand inquisiteur d'Aragon, Les Chaînes d'Eymerich nous
entraîne en 1365, au cœur d'une période troublée où les croyances païennes
n'ont pas encore plié devant l'inexorable machine de guerre chrétienne.
Quel
rapport existe-t-il entre l'enquête que mène le Grand Inquisiteur Eymerich,
père dominicain pourfendeur des ennemis du Christ, sur la résurgence de
l'hérésie cathare en Savoie, les manipulations génétiques de chercheurs
déments au milieu des années 1930, et les charniers de Timisoara en Roumanie ?
Seule
la main de fer de Nicolas Eymerich pourra dénouer un à un les fils de cet
écheveau diabolique et libérer la vérité de ses chaînes, si étroitement
liées à travers les siècles.
Dans
cet entrelacs remarquable de coïncidences entre passé et futur se dessine une
bien noire histoire de l'humanité, l'histoire de notre monde telle que
l'imagine Valerio Evangelisti.
Mon avis :-))
Les maillons des chaînes d'Eymerich
s'assemblent au fil des chapitres, passant allègrement du moyen âge au
vingtième siècle avec adresse et virtuosité. Chacun des indices possède son
importance, et Eymerich sortira plus déterminé à contrer l'hérésie
qu'auparavant de cette aventure complexe au bilan mitigé. Les hypothèses que
l'on pourrait avoir sur les causes de ces évènements reliés à travers les
siècles ne trouvent toutes leurs solutions que dans les dernières pages,
laissant le suspens se prolonger le plus longtemps possible. Amateurs
d'énigmes : à bon entendeur...
Extraits :
1- Elle observa le patient qui, à
présent paraissait dormir et lui tâta le pouls. Puis elle fixa la vitre d'un
air interrogateur. Le chef de service actionna l'interphone.
- Nous y sommes ?
La doctoresse hocha
la tête.
- Alors, commencez à
l'interroger.
La femme se leva et
alla se placer dans l'angle visuel du patient.
- Comment vous
sentez-vous ? demanda-t-elle.
Le prêtre poussa un
grand soupir. Il ouvrit les yeux et répondit :
- Bien, pero estoy
muy cansado.
Loomis eut un
mouvement de déception.
- Il parle espagnol.
Nous aurions pu l'imaginer.
La doctoresse, qui
avait entendu, eut un geste rassurant en direction de la vitre.
- Ce n'est pas un
problème, dit-elle, puis en se tournant vers le jésuite : Vous pouvez me
répondre en anglais ?
- Oui.
- Parlez-moi de vous,
de votre vie. Où êtes-vous né ?
Le patient fixa le
plafond.
- Je suis né à
Valladolid, capitale du royaume de Castille, un jour que j'ignore de l'été
1318. Le petit Alphonse XI régnait alors, mais sa grand-mère, Maria de
Molina gouvernait. Mon père, écuyer à la cour, décida très tôt de
m'envoyer au couvent...
Le chef de service en
resta bouche bée.
- Mon Dieu, lui
chuchota Loomis. Je crois que nous allons en entendre de belles.
2- Il me semble, seigneur, que j'ai
déjà eu l'occasion de vous rencontrer.
- Ah oui ? fit le
châtelain. Et quand ?
- Ce matin même. Au
marché, une pauvre créature à la tête difforme subissait les railleries de
la foule, jusqu'à ce que... Vous en souvenez-vous ?
- Certainement,
répondit Semurel avec un sourire. Plus que d'une tête difforme, je parlerais
d'une véritable tête d'âne. J'imagine que ce spectacle a dû vous causer
quelque stupeur.
- En effet.
- La stupeur se
comprend, chez un étranger à la région.
Semurel but une
gorgée de cervoise, puis s'essuya la bouche du dos de la main.
- Une curieuse
malédiction pèse sur ces montagnes, par ailleurs agréables. Sans doute
est-ce dû à l'eau, à l'air, au sang gâté ou à quelque autre facteur que
j'ignore. En tout cas, de temps à autre, une paysanne met au monde un être
anormal, avec des membres d'animaux ou, le plus souvent, privé de poils et de
raison.
Semurel
s'interrompit, contemplant l'inquisiteur par en-dessous.
- Je suppose que vous
songez déjà à l'œuvre du démon.
- Non, répondit
Eymerich avec un léger sourire. Je pense au diable seulement quand il n'y a
pas de meilleure explication.
- Cela, mon père,
vous fait honneur. Comme je vois les choses, si dans ce phénomène, le diable
intervenait, ce seraient des créatures mauvaises que l'on verrait naître, ou
en tous cas, elles se feraient les instruments du mal. Au contraire, il s'agit
d'êtres inoffensifs, quelquefois dociles, quelquefois sauvages, mais toujours
timides et étrangers à la violence.
3- Vous voyez ceux-là ? dit-il en
montrant le groupe de prisonniers tremblants de froid.
- Oui, acquiesça
Grol en se demandant si le lieutenant était saoul, mais il ne fit pas
d'observation. Oui, je les vois.
- Amenez-les devant
les caméras, un par un. Tordez-leur le bras dans le dos, tirez-les par les
cheveux, cognez-les. Je veux au premier plan des visages qui souffrent, pas
des têtes abruties. Vous m'avez compris ?
- Oui, lieutenant.
Grol comprenait bien
le sens de cet ordre. L'opinion publique pouvait bien croire que la RACHE
tuait ses prisonniers. En revanche, ce qu'elle devait ignorer, ou feindre
d'ignorer, c'est qu'elle transformait les plus robustes en polyploïdes,
après les avoir plongés dans les grands bassins de Karlovac dans lesquels bouillonnait
une enzyme au nom impossible. Des guerriers complètement idiots mais presque
invulnérables, dont les organes se multipliaient sans cesse sous l'effet du
mutagène. Les polyploïdes mouraient seulement quand le nombre de leurs cœurs,
de leurs poumons et de leurs reins devenait excessif par rapport à leur masse
corporelle. Ou alors quand ils finissaient littéralement écrasés ou
carbonisés par les explosions. Mais un projectile unique ne pouvait les
endommager sérieusement, et quelquefois pas même une rafale.
"Le
Corps et le Sang d'Eymerich"
Titre
original : - Il corpo e il sangue di Eymerich -, 1996
Quatrième
de couverture :
Le Sherlock Holmes
de la Sainte Inquisition est de retour : l'impitoyable Nicolas Eymerich,
terrible destructeur des infidèles, s'attaque à un nouveau mystère dans ce
troisième roman consacré à ses aventures.
Cette
fois, l'enquête d'Eymerich le conduit en France en 1358, à Castres, où le
Grand Inquisiteur devra combattre le règne de terreur des "Masc", une
secte aux rites impies et sanglants. Mais les conséquences de son intervention
dans la cité, où la lutte pour le pouvoir fait rage entre les Montfort et les
Armagnac, dépasseront de loin l'éradication d'une bande d'hérétiques. Car
devant l'inquisiteur se dresse le spectre de la Mort Rouge...
Naviguant
toujours aussi habilement entre le futur et le passé, Le Corps et le Sang
d'Eymerich est peut-être l'aventure la plus cruelle de l'intransigeant
père dominicain. Des aveuglements de l'Inquisition au racisme du Ku Klux Klan,
de la guerre d'Algérie à l'assassinat de Kennedy, d'effrayants parallèles
historiques s'y dessinent.
Le
public italien a réservé un véritable triomphe à l'inquisiteur Eymerich et
aux romans de Valerio Evangelisti qui le mettent en scène. La saga de cet
anti-héros devenu un véritable personnage-culte a déjà remporté le prix
Urania en Italie, ainsi que le Grand Prix de l'Imaginaire et le Prix de la Tour
Eiffel en France.
Mon avis :-))
Faisant
référence aux aventures précédentes d'Eymerich avec l'hérésie cathare,
l'organisation de la RACHE et des personnages secondaires, c'est un Nicolas
Eymerich au mieux de sa forme et totalement maître de sa puissance qui nous
attend. Incroyablement bien ficelés, faisant une
fois de plus appel à la biologie, les indices et énigmes se répondent d'une
période de l'histoire à l'autre, sont complémentaires et contribuent à
éclaircir les évènements plus que morbides et pessimistes auxquels sont
confrontées les différentes époques. Où l'on constate que les hommes sont
aussi fous dans le passé que dans le présent ou le futur. Beaucoup de passages
sont peu ragoûtants, à la limite du gore, et Eymerich
se révèle encore plus impitoyable que jamais. Âmes sensibles s'abstenir...
Extraits :
1- De quoi
s'agit-il, alors ?
-
Il semble qu'à Castres prolifère un culte malsain, basé sur la profanation
du sang. Quelque chose qui tient de la sorcellerie, diabolique au-delà de
l'imaginable. Les adeptes en sont appelés masc, terme générique que
les gens de ces régions adoptent pour tout ce qui leur inspire de la terreur.
Jusqu'à présent, aucun de ces masc n'a été capturé.
Eymerich
éprouvait une inexplicable répugnance, comme si cette atmosphère humide et
étouffante infiltrait du froid dans ses os.
-
Profanation du sang, vous dites. Entendez-vous le sang consacré ?
-
Non. Je ne puis vous en dire beaucoup plus, car ces masc restent
enveloppés dans l'ombre. Mais il semble qu'ils répandent une maladie
surnaturelle, qui pénètre dans les veines et conduit rapidement à la mort.
Une espèce de peste que, dans ces régions, on appelle la "mort
rouge".
-
Sorcellerie, commenta Eymerich avec un léger haussement d'épaules.
2- Les premiers
bois une fois atteints, Eymerich changea d'humeur. Il retint son cheval et se
plaça à hauteur du père Corona.
-
D'ici peu, nous rencontrerons le premier des cinq pouvoirs qui règnent sur
Castres, annonça-t-il avec une sorte d'allégresse.
-
Et quels sont donc les quatre autres ?
-
L'évêque, le bailli, l'abbé et ce Guy de Nayrac dont vous m'avez parlé. Il
y a pléthore de marionnettes,
dit-il en serrant les lèvres. L'important est de repérer les fils.
Le
père Corona ferma à demi les yeux.
-
Me permettez-vous une observation, magister ?
-
Certainement.
-
Vous semblez manœuvrer les hommes comme des poins sur un échiquier. De
plus...
-
Concluez. De plus ?
-
...vous ne paraissez pas faire grand cas des pions perdus. Par exemple Raymond
et notre tertiaire.
Le
père Corona regarda son compagnon, craignant d'en avoir trop dit.
-
Naturellement, en disant cela, je ne veux pas...
-
Oh, de fait, je ne m'offense pas, mon ami, dit Eymerich avec un rire presque
jovial. Il y a beaucoup de vrai dans votre remarque. Mais nous servons un
dessein qui va au-delà des personnes singulières, et cela peut nous
conférer l'apparence du cynisme. En réalité, nous sommes contraints de
jouer sur un échiquier énorme, où chaque pion n'a qu'une valeur bien
transitoire.
La
réponse ne sembla pas satisfaire le père Corona, qui s'apprêta à
répliquer. Mais à cet instant apparurent sur la route quatre soldats à
cheval arborant la croix rouge sur champ blanc.
"Le
Mystère de l'inquisiteur Eymerich"
Titre
original : - Il Mystero Dell'inquisitore Eymerich -, 1996
Quatrième
de couverture :
1365. Aux côtés
du roi Pierre IV le Cérémonieux, Nicolas Eymerich, le célèbre grand
inquisiteur dominicain, participe à l'invasion de la Sardaigne par les troupes
espagnoles. Leur but : détruire le culte païen qui règne sur l'île; dirigé
par l'effroyable juge Mariano d'Arborée.
Dans
une autre dimension de l'espace et du temps, Eymerich livre bataille à son
adversaire le plus acharné, un homme dont six siècles le séparent : le grand psychanalyste
viennois Wilhelm Reich. Par quel miracle le combat de ces deux esprits
d'exception peut-il avoir lieu ?
Ce
n'est que l'un des nouveaux mystères qu'Eymerich affrontera dans ce quatrième
roman palpitant consacré à ses aventures.
Mon avis :-)
Aussi gore que les
précédents, avec des théories en biologie assez farfelues (mais après tout,
c'est de la SF !), Valerio Evangelisti parvient comme toujours à mener sa barque là
où il le veut, surprenant immanquablement dans les dernières pages par
l'étroitesse des liens qui unissent les époques. Mais le plus impressionnant
reste tout de même la façon dont l'auteur réussi sans sourciller à mélanger
les genres et les thèmes, l'éventail allant du totalitarisme politique au
futur de la biologie, en passant par un siège de forteresse médiévale en
Sardaigne et des cultes païens aux racines étranges.
Notre
inquisiteur préféré est comme d'habitude abject à souhait et les moyens
qu'il met en oeuvre pour parvenir à ses fins sont toujours aussi ingénieux.
Oui
mais voilà, c'est justement là que le bât blesse : la trame de l'intrigue des
romans faisant intervenir Eymerich se ressemble beaucoup trop d'un volume à
l'autre. Les thèmes utilisés sont comparables : toujours une partie faisant
appel à la biologie, l'autre à une société future totalitaire ou du moins
tendant à l'être, et enfin une dernière concernant les cultes impies
qu'Eymerich doit bien sûr éradiquer. Il est difficile de sortir de ce schéma,
et une fois qu'on a compris les moyens dont Eymerich peut disposer et sa façon
d'en disposer, l'intrigue devient nettement plus convenue et prévisible, même
si les interrelations entre époques soulèvent toujours autant de questions
existentielles.
Un
Eymerich de plus, donc, fidèle au poste.
Extraits :
1- Si c'est la
maladie que vous craignez, reprit le vieux, n'ayez crainte. Faites seulement
attention à ce que vous mangez et buvez. Et surtout, tenez-vous loin des
sources et des cours d'eau à l'heure feriada.
-
L'heure feriada ? Qu'est-ce que ça signifie ?
-
Oh ! C'est une expression d'ici, répondit le moine en souriant de nouveau.
Elle désigne les périodes entre matines et laudes et entre seste et none. A
ces moments-là, les eaux de la Sardaigne pullulent de vie, ne me demandez pas
pourquoi. Et dans cette vie il y a aussi la vie dangereuse, quelquefois si
horrible que je n'ose même pas la décrire. Voilà pourquoi les Sardes
croient que près des fleuves vivent des démons et invoquent Dieu pour qu'il isparghet
sas venas ei sas funtanas, qu'il "répande le contenu de ses veines
dans ses fontaines".
Le
vieillard aurait sans aucun doute continué à parler, mais Eymerich,
bouleversé, ne put en supporter davantage. Sans un geste ni un salut, il
tourna le dos au moine et grimpa au flanc de la colline, avec la répugnante
sensation que le terrain sous ses pieds était creux et qu'y bougeaient des
amas de créatures abominables et blanchâtres. Il éprouvait une aversion
instinctive envers tout ce qui était sale, malade ou impur ; mais, surtout,
il abhorrait les vers et les insectes, capables de s'insinuer entre ses
vêtements, de voler jusqu'à lui, de tomber sur lui à l'improviste, de lui
toucher la peau de leurs mouvements gluants. Rien au monde, peut-être,
et pas même la silhouette du démon sur l'horizon, ne se trouvait en mesure
de susciter en lui tant de terreur.
2-
Depuis le plafond, Reich regarda avec inquiétude en direction des barres de
la cellule et de l'obscurité du couloir. Il savait qu'une fois de plus, ce
jour-là, l'inconnu qui se faisait appeler Eymerich allait revenir, et il
espérait réussir à se libérer avant la rencontre. (...)
-
Une araignée, dites-vous ? Comme celle-là ?
L'ombre
pointa un doigt. Reich regarda dans la direction indiquée et vit une
araignée gigantesque, aux yeux indéchiffrables, dont le poids déformait le
réseau de fils. Ses pattes fines s'étiraient sur des longueurs
disproportionnées par rapport au petit corps velu. Cela provoqua en lui une
hilarité inattendue.
-
Les araignée font partie de ce que vous craignez, vous, non de ce que je
redoute, moi ! Vous avez découvert votre jeu. Les insectes vous inspirent
tellement d'horreur que vous croyez que tout le monde la partage !
Un
frémissement de l'ombre trahit un certain trouble.
-
Et vous, quelle explication donnez-vous de ma crainte supposée, en admettant
qu'elle soit vraie ?
-
La peur du contact physique, répondit Reich en observant sans inquiétude le
monstre qui se débattait à l'autre bout des fils, occupé à une danse
compliquée. Votre surface corporelle est complètement privée d'énergie.
Vous l'avez fait refluer depuis longtemps à l'intérieur de votre noyau, sous
la poussée d'une terreur sans nom, comme il advient au sang dans les moments
de panique. "Il blêmit de peur" : vous n'avez jamais entendu cette
expression ?
-
Continuez, ordonna Eymerich, avec un peu d'incertitude dans la voix.
-
Vous avez cru rendre votre peau insensible, mais vous n'avez fait que la
rendre froide et réactive à la chaleur des autres. Une caresse, pour vous,
se charge de la violence d'une gifle. Du reste, qui caresserait jamais un
animal à sang froid ? Vous n'en avez pas conscience, mais vous n'arrivez pas
à vous y faire et vous en souffrez. Vous avez oublié comment on caresse et
vous savez seulement frapper. Tout autre contact vous est interdit.
-
Et les insectes, en quoi sont-ils concernés ?
-
Ils constituent le symbole même de l'invasion. Ils tombent des branches et
des plafonds, se posent n'importe où, sautent suivant des trajectoires
imprévisibles. Et vous, vous ne voulez pas être touché. Votre
aspiration suprême est d'être pur esprit.
-
C'est l'aspiration de tout croyant, répliqua l'ombre, mais visiblement, elle
était en difficulté.
Liens
concernant Valerio Evangelisti et son oeuvre :
- http://www.geocities.com/SunsetStrip/3980/eymerich.htm
Le site officiel - en
italien -
- http://www.cafardcosmique.com/auteur/evangelisti.html
Fiche sur l'auteur - en
français -
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