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"Aucune
étoile aussi lointaine"
Serge Lehman,
1998
Quatrième
de couverture :
Depuis l'aube des temps, ils
sont les rois de l'espace. Plus vite que la lumière, ils ouvrent des routes
nouvelles, découvrent des mondes inconnus. Jusqu'au jour où dans toute la
Voie, le temps des toboggans - ces portes qui permettent de passer en un instant
d'un monde à l'autre - commence.
Celui des
long-courriers de l'espace est terminé...
Mais Arkadih,
l'enfant-prince, l'héritier d'une dynastie millénaire d'explorateurs et de
pionniers, Arkadih n'écoute personne. Depuis qu'il est né, il le sait ; il
sera le plus grand pilote que le monde ait jamais porté.
Voici
l'histoire d'un enfant qui devient un homme en brisant les chaînes de son
propre destin. Inspirée des mythes marins et des aventures à la Kipling ou à
la Conrad, elle retrouve le ton de la légende. Quant aux décors, c'est bel et
bien l'océan... des étoiles.
Mon avis :-))
Aucune étoile aussi
lointaine baigne à sa façon, parfois cruelle, dans une poésie latente,
qui trouve son origine dans le destin d'Arkadih, incrusté à son insu dans la
trame même de l'univers et du temps.
Les deux vies
d'Arkadih, avant et après sa rencontre avec Cheele et son départ de Murmank,
sont deux parties très différentes du roman, à tel point que le lecteur,
après avoir goûté aux intrigues du Palais de Murmank, ressent véritablement
les errances du héros livré à lui même au milieu des étoiles, sachant
pertinemment que le décalage temporel l'éloigne de tout ce qu'il a connu.
En effet, la solitude
d'Arkadih condamné à poursuivre le Noyau, est rompue uniquement par des escales dans des mondes étranges où les hommes sont
absents ; ses désaccords avec l'Anubis, son vaisseau inquisiteur, viennent
rendre son voyage à la limite du supportable.
De très bons
passages comme celui sur la planète Hradek, gouvernée par une algue géante
philosophe unique en son genre, qui a réussi à atteindre le stade ultime de l'évolution
possible sur cette planète, et qui patiente jusqu'à son auto-destruction
résultant de l'émancipation suicidaire de certains de ses rameaux...
Le thème
principal est ainsi la solitude et les choix parfois illusoires qui sont mis à
disposition de chacun, mais aussi et surtout l'accomplissement de son destin,
irrémédiablement fixé à la manière des tragédies antiques.
Extraits :
1- A la machine, le
jeune homme dit
Je
cherche une route que nul ne connaisse
Un
endroit vide, créé pour moi seul
Car je ne
peux plus supporter ce que j'ai été
Le
fracas, les flammes, les cheveux parfumés des femmes
Il me
faut une étoile
Pour
laver mon ombre et la jeter au loin
(...)
Au
vieillard, la machine répondit
Toutes
les routes sont connue
Toutes
les mers sont des leurres
Le fracs,
les flammes, les cheveux parfumés des femmes
Sont ce
que l'on emporte en premier
A quoi
bon tirer sur tes chaîne ? Il n'existe
Aucune
étoile aussi lointaine
2- Eh ! Qu'est-ce qui se
passe ?
- Un
problème, capitaine ?
Arkadih
s'assit et donna un coup de poing contre la paroi du caisson cryo. "Ce
truc ne marche pas.
- Ah. Je
comprends..." Hector émit un flash bleuté et se mit à tanguer sur son
axe longitudinal. L'équivalent d'un rire. "Rassurez-vous, tout a
parfaitement fonctionné. Vous avez dormi cinq cent trente-deux jours et deux
heures trente-cinq minutes. Ensuite, le vaisseau s'est placé en orbite autour
de Thoran - ce matin, à 0935 exactement - et il vous a réveillé. Il est
maintenant 0939 et nous sommes le 2 mars 6691. Heureux de vous revoir,
capitaine. Tout va bien à bord."
Arkadih
s'extirpa du caisson, hébété. Son uniforme flottait à quelques pas de lui.
Il l'enfila, en cherchant désespérément les signes qui auraient du trahir
son long sommeil gelé. Mais il ne ressentait rien. Ses doigts n'étaient
même pas gourds. Un an et demi plus tôt, il s'était allongé là. Il avait
regardé le couvercle de plastique transparent se refermer sans bruit
au-dessus de lui. Un gaz invisible et inodore avait fusé dans l'habitacle.
Avec un soupir de soulagement, Arkadih avait fermé les yeux...
Puis les
avait rouverts, en se demandant ce qui n'allait pas.
"Ce
n'est pas normal..., murmura-t-il en s'engageant à grandes enjambées sur le
pont de jour.
- Pas
normal, capitaine ?"
Arkadih jeta
un coup d'œil au drone qui planait derrière lui.
"Je
veux dire : pas naturel. Évidemment, tu ne peux pas savoir ça. Mais quand on
dort - je veux dire, nous les humains -, le corps se souvient. C'est une
impression assez bizarre, d'ailleurs... Comme si on était resté conscient
tout le temps - mais très très loin.
- Hum... Le
sommeil cryogénique ne peut absolument pas laisser ce genre de traces,
capitaine. Réfléchissez : ce dont votre corps se souvient, c'est de sa
propre continuité métabolique. Le mouvement des poumons, le battement du cœur,
la digestion, les sécrétions... Et les rêves, évidemment. Mais là, il ne
s'est rien passé de tel. Le caisson vous a refroidi et tout s'est arrêté en
vous - jusqu'à la plus petite activité cellulaire. Vous ne pouvez pas vous
souvenir de quoi que ce soit. Et à mon avis, ça vaut mieux. Parce que
dix-huit mois d'immobilité..."
Hector
plongea humblement vers le sol avant de redresser sa course. "Mais je ne
suis qu'un drone".
Oui, songea
amèrement Arkadih. Tu n'es qu'un drone.
3- Entre les hommes et les
Davellins, il y avait une amitié vieille de deux mille cinq cents ans.
Beaucoup d'historiens et de sociologies de la Voie pensaient qu'il s'agissait
d'une surdétermination affective. Comme l'Anubis l'avait dit, les Davellins
ressemblaient un peu à des chats (des chats d'un mètre cinquante de haut, au
pelage lustré, capables d'alterner la marche sur deux ou quatre membres sans
jamais cesser d'être gracieux et dont le fin visage triangulaire était
éclairé par des yeux d'une profondeur infinie ; bref, des créatures
magnifiques). Mais la chose remarquable était que, par un étrange effet de
symétrie, les hommes ressemblaient beaucoup aux Taylis - de petits
mammifères qui grouillaient sur le monde natal des Davellins, et pour
lesquels ceux-ci éprouvaient une grande attirance. Tout s'était passé comme
si chacune des deux nations avait découvert en l'autre une incarnation
intelligente de ses animaux de compagnie favoris.
Liens
concernant Serge Lehman et son oeuvre :
- http://www.chez.com/aelhomin/lehman.html
Biographie, bibliographie et surtout une longue interview de l'auteur - en français -
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