Robert Charles Wilson

 

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"Darwinia"

Titre original : Darwinia, 1998

Robert Charles Wilson : Darwinia

Quatrième de couverture :

Mars 1912, l'Europe et une partie de l'Angleterre disparaissent subitement, remplacés par un continent à la faune et à la flore non terrestres que l'on ne tarde pas à nomme la Darwinie.

Pour l'enfant Guilford Law, cette tragédie c'est ni un miracle ni une punition divine, mais plutôt une énigme que la science pourra un jour résoudre. C'est fort de cette certitude qu'il sacrifie tout pour faire partie de la première expédition d'exploration destinée à s'enfoncer au cœur du continent inconnu. Là, de mort violente en mort violente, tous les dangers et tous les secrets de la Darwinie lui seront révélés. 

Nominé au prestigieux prix Hugo en 1999, Darwinia est une oeuvre d'une rare ambition, d'ores et déjà appelée à devenir un classique, qui nous ramène à l'époque où les savants étaient explorateurs et aventuriers.

Mon avis  :-)

Avec son quatrième de couverture enthousiaste, Darwinia nous entraîne vers un continent qui recèle bien des surprises, autant pour le héros que pour le lecteur. 

Mais si l'idée de départ offre de multiples possibilités pour la suite du roman, elles ne sont à mon avis pas suffisamment mises en avant, comme par exemple la possibilité de l'origine préhistorique de la Darwinie, qui rattacherait alors le roman à l'uchronie. On ne fait que les effleurer pour aboutir à la plus tortueuse d'entre elles à laquelle, il est vrai, on ne pouvait pas s'attendre. 

En réalité, on s'aperçoit au fil de la lecture qu'il existe deux "Darwinies" : celle des débuts, lorsque Guilford Law part avec son équipe à la découverte de l'inconnu, qu'on imagine bien hostile et impénétrable (mais pas dans les dimensions que l'on découvre part la suite), et la deuxième Darwinia où l'on revient à un roman de SF plus conventionnel, mais plutôt dans la catégorie "gore" tellement certaines descriptions sont peu ragoûtantes. Quoi qu'il en soit, cette deuxième partie assez peu prévisible modifie radicalement le cours de l'histoire, ce qui peut constituer un atout ou un défaut selon le point de vue du lecteur.

Toute la partie concernant l'arrivée en Europe et l'expédition Finch est très réussie (les nids d'insectes carnivores font vraiment froid dans le dos), mais les choses se gâtent lorsqu'il s'agit d'expliquer clairement les motivations des méchants puisque méchants il y a : on a du mal à accrocher lors de ces interludes, suffisamment flous et étranges pour que l'on arrive pas vraiment à les situer dans le récit.

Pour résumer, si vous êtes à la recherche d'aventures en pays inexploré, Darwinia est fait pour vous, mais attendez-vous aussi à une intrigue principale surprenante et qui peut décevoir si l'on est pas prévenu de ses bifurcations ultérieures.

Extraits :

1- A l'est, le ciel étincelait jusqu'au zénith. Peut-être y avait-il un incendie très loin en mer.

"Ca ressemble à l'aurore", déclara sa mère d'une voix étouffée, incertaine.

Une aurore chatoyant tel un rideau dans la brise, jetant des ombres subtiles sur la barrière blanche et le jardin badigeonné de brun par l'hiver. L'immense mur brillant, tantôt vert bouteille, tantôt d'un bleu de mer vespérale, ne produisait pas le moindre son. Il était aussi silencieux que la comète de Halley, qu'ils avaient tous vue deux ans plus tôt.

La mère de Guilford avait sans doute songé à la comète, elle aussi, car elle répéta mot pour mot ce que lui avait inspiré son passage :

"On dirait la fin du monde..."

Pourquoi racontait-elle une chose pareille ? Pourquoi se tordait-elle les mains et se cachait-elle les yeux ? Guilford, ravi au fond, ne pensait pas que ce fût la fin du monde. Son cœur battait tel le balancier d'une horloge, rythmant un temps secret. Peut-être quelque chose de neuf commençait-il. Ce n'était pas la fin d'un monde mais le début d'un autre. Comme lorsqu'on changeait de siècle. (...)

Cette nuit de mars, le ciel était plus resplendissant au loin, sur l'océan Atlantique, que lorsque la comète était passée. Des heures durant, l'horizon flamboya de bleu et de violet. La lumière, au dire des témoins, évoquait un mur. Elle tombait du zénith, divisant les eaux.

On la voyait de Khartoum (immatériel obstacle dressé au nord) comme de Tokyo (faible brillance à l'ouest).

De Berlin, de Paris, de Londres, de toutes les capitales européennes, la muraille onduleuse paraissait englober l'étendue céleste entière. Des centaines de milliers de gens se rassemblaient dans les rues, sous sa froide floraison, oublieux du sommeil. Les rapports affluèrent à New York jusqu'à minuit moins quatorze minutes.

A 23h46, heure de la côte est, le télégraphe transatlantique se tut aussi soudainement qu'inexplicablement.

 

2- Le terrain avait encore changé. Guilford se rapprocha de son compagnon. Quelque chose craqua sous ses bottes. 

Des brindilles. Par centaines.

Non : des os.

Les déchets d'un nid.

"Vous nous avez amenés ici exprès ! cria Keck au broussard, qui ouvrait la marche.

- Fermez-la." Tom Compton n'était qu'une ombre épaisse. Quelqu'un, peut-être Sullivan, avançait à son côté. "Ne faites pas de bruit. Posez les pieds aux mêmes endroits que moi. Suivez-vous tous en file indienne." 

Diggs, qui arrivait derrière Guilford, le poussa en avant.

"Ils sont toujours là, bougez-vous nom de Dieu !" Une balle jaillit, hurlante, de la brume.

Les ossements craquaient sous les pas. Sans doute le broussard longeait-il l'anneau de débris, contournant le nid, à un cheveu du néant. 

Keck avait rapporté un insecte de ce genre au campement, quelques jours plus tôt. Une bestiole à peu près grosse comme le pouce, aux dix longues pattes puissantes et aux mandibules évoquant l'acier des outils de chirurgie. Mieux valait ne pas y penser. (...)

Lorsqu'ils atteignirent l'autre côté du cercle, le ciel s'était éclairci, ce que le photographe ne pensait pas à l'avantage de son camp. (...)

Les partisans étaient cependant trop pris par la chasse pour prêter attention au terrain. (...) Guilford en compta sept dès l'abord, armés de fusils militaires quoique ne portant pas l'uniforme, simplement de hautes bottes et des chapeaux mous. Ils souriaient, confiants.

D'ailleurs, leurs bottes les protégèrent - un instant. L'homme de tête avait peut-être franchi les trois quarts du coin de terre meuble quand, baissant la tête, il découvrit ce qui lui recouvrait les jambes. Son rictus s'effaça, ses yeux s'agrandirent, tandis qu'il comprenait. Il fit demi-tour mais ne put s'enfuir ; les insectes tenaces, accrochés les uns aux autres, formaient des cordes vaguement poilues qui lui immobilisaient les jambes tout en le tirant vers le sol.

Perdant l'équilibre, il tomba dans un hurlement. La colonie fut aussitôt sur lui, linceul bouillonnant, et sur plusieurs de ses compagnons, dont les cris ne tardèrent pas à noyer les siens.

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Liens concernant Robert Charles Wilson et son oeuvre :

http://home.golden.net/~csp/reviews/wilson.htm Une interview de l'auteur et résumés de plusieurs de ses romans - en anglais -

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