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- Les
plus qu'humains
-
Cristal qui songe
-
Les Songes superbes de Théodore Sturgeon
"Une
histoire de science-fiction est une histoire construite autour d'êtres humains
avec un problème humain et une solution humaine, et qui n'aurait pu se produire
sans son contexte scientifique."
-
Théodore Sturgeon -
"Les
plus qu'humains"
Titre
original : - More than Human -, 1953
Quatrième
de couverture :
L'Idiot
vivait seul, rejeté par tous, fuyant les hommes qui le méprisaient. C'est
alors que la rencontre avec un groupe d'enfants aux dons étranges va
bouleverser sa vie : Janie, qui déplace les objets avec son esprit ; Beany et
Bonnie, les jumelles qui disparaissent et apparaissent à volonté ; et Bébé,
l'enfant mongolien au génie prodigieux.
Ils vont bientôt
former une famille, autour de l'Idiot qui, pour la première fois, fait
connaissance avec l'affection humaine. Peu à peu une unité d'un ordre
supérieur, plus qu'humain, va s'établir entre les divers membres de ce groupe.
Bébé en sera le cerveau, Beany et Bonnie les membres, Janie le cœur, et
l'Idiot la conscience.
Résumé :
Une gamine
colérique et intraitable, des jumelles muettes et insaisissables, un simple
d'esprit plus innocent que pathétique, un bébé trisomique cloué au berceau
et deux enfants vouant dès leur plus jeune âge un haine éternelle à
l'humanité... Et pourtant, de leur union à tous pourrait bien naître une
entité au-delà de l'homme, au-delà de l'humanité.
Mon avis :-))
Les plus
qu'humains est un bouquin passionnant. Outre la fascination pour cet être
étrange qui prend forme sous nos yeux et la sensation de vertige éprouvée à
la fin du livre lorsque chacun des personnages a enfin joué cartes sur table,
le récit excite notre curiosité et nous emmène sans difficultés au
bout d'une réflexion habilement camouflée et rappelant par son étrange effet
sur le lecteur celle des Fleurs pour Algernon de
Daniel Keyes. Un bouquin étonnant à ne pas manquer !
Extraits :
1- L'Idiot
habitait un univers noir et gris que déchiraient parfois l'éclair blanc de
la faim et le coup de fouet de la peur. Ses vêtements en lambeaux laissaient
voir ses tibias en lames de sabre et, sous sa veste déchirée, ses côtes qui
saillaient comme des doigts. L'Idiot était de haute taille, mais plat comme
une limande ; dans son visage mort, ses yeux étaient calmes.
2- Il dit qu'il
est une sorte de cerveau et moi le corps, et les jumelles sont les bras et les
jambes, et toi, toi tu es la tête. Et que le tout, c'est Je.
-
Alors moi, je fais partie ?
-
Tu es la tête, imbécile !
C'était
comme si le cœur allait lui éclater. Il les regarda tous : les membres, le
corps, une machine à calculer, et la tête pour les diriger.
-
Et nous grandirons, Bébé, tu verras, nous sommes à peine nés.
-
Jamais de la vie, dit Bébé. Il dit que c'est impossible avec une tête comme
ça. Il dit que, pratiquement, nous pouvons faire n'importe quoi. Mais que,
plus que probablement, nous ne ferons rien. Il dit que nous sommes quelque
chose, pour sûr, mais que ce quelque chose, c'est un idiot.
3- Tout ce que
je sais est que quand je serai terminé il n'y aura pas de quoi se vanter. Un
corps plus rapide et plus fort que tout ce qu'on aura jamais vu jusque-là,
mais avec une mauvaise tête dessus, pas la tête qu'il faut. Maintenant,
c'est peut-être parce que je suis un des premiers. La gravure que tu m'as
montrée...
-
L'homme du Neandertal ?
-
Ouais. Eh bien, maintenant que j'y pense, ce n'était pas un grand crack. Un
essai dans une nouvelle spécialité ! C'est ce que je serai moi ! Mais
peut-être que la tête qu'il faut viendra une fois que je serai tout
organisé. Alors ce sera quelque chose !
Il
grogna de satisfaction et s'en fut.
"Cristal
qui songe"
Titre
original : - The dreaming jewels -, 1950
Quatrième
de couverture :
Lorsqu'il est
renvoyé de l'école, à l'âge de huit ans, cela fait déjà plusieurs
années que Horty mange des fourmis en cachette.
Fuyant
alors la demeure de ses parents adoptifs qui le martyrisent, le gamin trouve
refuge au sein d'un cirque ambulant où il devient le partenaire de deux jeunes
naines, Zena et Bunny.
Mais
les personnages les plus extraordinaires du cirque restent son féroce
directeur, surnommé le Cannibale, et son étrange collection de cristaux : des
cristaux qui peuvent gémir et semblent toujours plongés dans un rêve
minéral.
Mon avis :-))
On retrouve dans Cristal qui songe la même volonté que dans
Les
plus qu'humains de définir à l'aide de moyens peu communs
l'humanité, ses forces et ses faiblesses, et de la comparer à
"l'anormalité" en général. Les cristaux qui songent, en plus
d'être à la base du récit, y ajoutent une dimension poétique bienvenue. Il
en résulte un roman fluide, qui se lit d'un trait et dont les personnages nous
tiennent en haleine d'un bout à l'autre.
Extraits :
1- Seul un
homme qui se serait, comme lui, consciemment détourné depuis des années de
tout ce qui était humain pouvait remarquer ce qu'il remarqua un certain jour
d'automne, et surtout, l'ayant remarqué, pouvait avoir la curiosité de
l'examiner plus à fond. Seul un homme bénéficiant au même degré que lui
de ce rare mélange de connaissances scientifiques et de raisonnement logique
aurait pu en fournir une explication. Et, à coup sûr, seul un monstre social
tel que lui pouvait par la suite tirer le même parti que lui de sa
découverte. Ce jour là il vit deux arbres.
Chacun
d'eux était un arbre pareil à tous les autres. (...) Rien, absolument rien,
n'aurait attiré son attention sur l'un ou l'autre de ces deux arbres s'il les
avait vus isolément. Mais il les vit en même temps. Son regard les parcourut
de haut en bas ; l'étonnement lui fit lever légèrement les sourcils et il
passa son chemin. Au bout d'un instant, il s'arrêta, revint sur ses pas et
regarda mieux. Soudain, il poussa une sorte de petit grognement comme s'il
avait reçu un coup de pied. Il passa entre les deux arbres qu'une douzaine de
mètres séparait et les contempla tour à tour avec stupeur. (...)
Ce
qu'il voyait était incroyable, impossible. Certes, la loi des grands nombres
ne s'oppose pas à ce qu'il existe deux arbres rigoureusement identiques, mais
la probabilité de ce fait est si infinitésimal que l'adjectif
"impossible" convient seul à qualifier cette éventualité.
Ganneval
allongea la main et arracha une feuille à l'un des arbres ; puis la feuille
correspondante sur le second arbre.
Leurs
dimensions, leur forme, leur contexture, leurs nervures même, étaient
identiques.
C'en
fut assez pour Ganneval. Il poussa de nouveau un petit grognement de
satisfaction, regarda attentivement autour de lui pour bien fixer dans son esprit
l'emplacement des deux arbres et rentra chez lui au triple galop.
2- Dis-moi Horty, fit elle tout à
coup, qu'y a-t-il dans ton sac en papier ?
- Junky. C'est un diable
à ressort dans sa boîte. Enfin, ça l'était jusqu'à ce qu'Armand me le
casse. Je vous l'ai déjà dit. Le voleur a achevé de le démolir. (...)
Elle tira du sac les
morceaux de carton-pâte.
- Mais il y en a deux
! s'écria-t-elle avec une soudaine véhémence.
Elle se tourna et
regarda Horty avec autant de stupeur que s'il était subitement devenu violet
ou que s'il lui était poussé des oreilles de lapin.
- Deux !
répéta-t-elle. Au restaurant je croyais n'en avoir vu qu'un. Et ils sont vraiment
à toi ? Tous les deux ?
- Ce sont les yeux de
Junky, expliqua-t-il.
- Et d'où vient
Junky ?
- Je l'avais avec moi
avant qu'Armand m'adopte. Un policeman m'a trouvé dans un square quand
j'étais tout petit. On m'a mis dans un orphelinat. C'est là qu'on m'a donné
Junky. Je crois bien que je n'ai jamais eu de famille.
- Et Junky...
Attends, je vais t'aider... Junky est toujours resté avec toi ?
- Oui, forcément.
- Pourquoi,
forcément ?
- Comment donc
s'accroche ce machin-là ?
Zéna réprima un
violent désir de pousser l'enfant dans un coin et de l'y maintenir ce vive
force jusqu'à ce qu'elle eût réussi à extraire de lui le renseignement qui
l'intéressait.
- Je te parlais de
Junky, reprit-elle cependant avec patience.
- Ah ! Oui, Junky...
Je tenais à l'avoir toujours près de moi. Non, pas exactement près de moi :
je pouvais m'en séparer du moment qu'il ne lui arrivait rien et qu'on me le
laissait bien à moi. Cela m'était égal de ne pas le voir, même pendant
longtemps, mais, si on y touchait, je le savais, et si on lui faisait du mal,
j'avais mal aussi. Vous comprenez ?
- Très bien, dit
Zéna, à la grande surprise de l'enfant.
"Les
Songes superbes de Théodore Sturgeon"
Anthologie
réunie par Alain Dorémieux, 1941-58
Quatrième
de couverture :
Depuis 1977, a
été entamée en France une redécouverte de Théodore Sturgeon, l'un des plus
personnels des grands écrivains de science-fiction américains. Connu surtout
dans notre pays par ses deux romans Cristal qui songe et Les plus
qu'humains, Sturgeon est aussi l'auteur d'un très grand nombre de nouvelles
où se manifeste avec éclat la singularité de son talent. C'est une sélection
de certaines d'entre-elles qu'on trouvera dans ce volume, qui coïncide avec
d'autres anthologies de Sturgeon déjà parues ou en préparation chez d'autres
éditeurs. Publiées aux États-Unis entre 1941 et 1958, elles nous parlent des
grand thèmes qui ont toujours préoccupé Sturgeon et qu'il a exprimées sous
le couvert de la science-fiction : l'aliénation, la solitude, la
"différence", la non-communication, le chemin qui mène à la
compréhension de l'autre. C'est l'usage de ces thèmes qui fait que l'œuvre de
Sturgeon n'a pas vieilli, ne vieillira pas. Aujourd'hui encore son message nous
reste perceptible et direct, il s'adresse intimement à chacun de nous...
Mon avis :-)
Cette anthologie a le
mérite retracer l'évolution de Sturgeon, qui s'est intéressé tout d'abord au
fantastique pour n'écrire ensuite plus que de la science-fiction à échelle
humaine. Onze nouvelles se succèdent, parfois inégales, parfois étranges mais
tournant toujours autour de l'homme et de sa condition.
- Un égocentrisme
absolu - (The Ultimate Egoist, 1941) Un homme égocentriste découvre que
tout ce dont il rêve se réalise...
- Compagnon de cellule
- (Cellmate, 1947) Un prisonnier doit composer avec le taciturne
co-détenu qu'on vient de lui imposer.
- Un don spécial - (Talent,
1953) Un petit garçon aux étranges pouvoirs tyrannise son entourage...
- Dans la chambre sombre - (The Dark Room,
1953) Une créature extraordinaire a élu domicile chez un passionné de
réunions du samedi soir...
- Celui qui lisait les tombes - (The Graveyard
Reader, 1958) Comment apprendre à lire ce qu'il y a vraiment d'écrit sur
les tombes : mode d'emploi.
- Abréaction - (Abreaction, 1948) Un
conducteur de bulldozer franchit involontairement la trame espace-temps qui le
sépare d'un autre monde peuplé d'extraterrestres.
- Paradis perdu - (The Love of Heaven, 1948)
Un chasseur et son chien renouent des liens avec des cousins éloignés de
l'humanité...
- Une soucoupe de solitude - (A saucer of
Loneliness, 1953) Une jeune femme entre en collision en plein Central Park
avec une soucoupe aussi grosse qu'un melon.
- Monde interdit - (The World Well Lost, 1953)
Le rapatriement de deux extraterrestres renégats vers leur planète d'origine
pose quelques problèmes aux deux membres d'équipage...
- La clinique - (The Clinic, 1953) Un retardé
mental accumule les soupçons de simulation qui pèsent sur sa personne...
- Un triangle dans la tempête - (Hurricane Trio,1955)
Un homme se retrouve déchiré entre sa femme et une belle inconnue rencontrée
en pleine tempête.
Extraits :
1 - "Voyons les choses
ainsi", débitais-je. "Le monde et l'univers sont strictement tels
que je les vois. Je ne vois rien d'erroné dans la supposition que, si je ne
crois pas à un objet donné, à une théorie ou à un principe, ils
n'existent tout simplement pas."
"Tu
n'as jamais visité le Siam, chéri," observa Judith. "Cela
signifie-t-il que le Siam n'existe pas ?" Elle n'exprimait pas son
désaccord mais elle savait comment me faire parler. C'était très bien ainsi
parce que nous aimions m'entendre parler.
" Oh !
le Siam peut exister s'il le désire," dis-je avec générosité. "A
la condition que je n'aie pas de raison de douter de son existence."
"Ah..."
fit-elle. Elle n'avais pas déjà entendu cette argumentation auparavant, car
je mettais beaucoup d'originalité à exposer le sujet. Il y a tellement
d'aspects dans les nombreuses facettes de ma personnalité que je la juge tout
à fait inépuisable.
Judith émit
un gloussement.
"Supposons
que tu doutes vraiment et sincèrement de l'existence du Siam, Woodie."
"Ce
serait fort pénible pour les Siamois."
Elle éclata
de rire et j'en fis autant, sinon cela aurait voulu dire qu'elle riait de
moi, ce qui était impensable.
- Un
égocentrisme absolu -
2 - Le feuilleton continuait
de se dérouler comme d'habitude par une nouvelle crise dans la vie de
l'héroïne dont tout le monde se foutait éperdument. N'empêche que, le
lendemain, on remettait ça rien que pour savoir si la suite serait vraiment
aussi stupide qu'on l'imaginait. - Compagnon de cellule -
3 - La fin du monde est
arrivée lors de cette soirée chez Beck. Si seulement la Terre avait sombré
dans le Soleil ou heurté une comète, je me serais fait une raison. J'aurais
été capable de regarder le type à côté de moi chez le coiffeur ou la
fille sur l'écran de la TV, en m'écriant : "Eh bien, ça y est, c'est
la fin !" Et l'autre m'aurait adressé un coup d'œil hagard en
éprouvant la même chose que moi. - Dans la chambre sombre -
4- Mais, si la civilisation
terrestre était une pyramide, au sommet (où se tient le pouvoir) serait assis
un aveugle, car nous sommes ainsi faits que c'est seulement en nous aveuglant
un peu plus chaque jour que nous nous élevons au-dessus de nos semblables.
L'homme au sommet est extrêmement préoccupé du bien-être de l'ensemble,
parce qu'il le considère comme la source de son élévation, ce qui est
exact, et comme un prolongement de lui-même, ce qui ne l'est pas. - Monde
interdit -
Liens
concernant Théodore Sturgeon et son oeuvre :
- http://glinda.lrsm.upenn.edu/~weeks/sturgeon/
Le site officiel - en
anglais -
- http://www.cafardcosmique.com/auteur/sturgeon.html
Une fiche sur l'auteur - en français -
- http://mauvaisgenres.com/theodoresturgeon.htm
Biographie, bibliographie - en français -
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